Sur les traces de Ta-Iset

Les 6°B remontent le temps ! Premier atelier.

par Anne-Sophie Berger

Vendredi 4 mai, la classe de 6° Patrimoine s’est rendue au musée d’histoire locale de Rueil pour un atelier...

Nous avons été reçus par Claire Maurer-Montauzé et Angélique Martini qui protègent, administrent, organisent les œuvres du musée et accueillent les visiteurs pour leur permettre de découvrir les richesses de ce musée.

La classe a été partagée en deux groupes et chaque élève a pu participer aux deux ateliers proposés.

 Premier atelier... A la découverte de Ta-Iset...

Le musée de Rueil a la chance de pouvoir exposer une momie qui est arrivée au musée par des chemins peu habituels puisqu’elle fut découverte en 2000 dans les encombrants, par des agents municipaux. Le style de décoration de cette momie permet de penser qu’elle date de l’Époque Ptolémaïque (332 av J.-C. - 31 av. J.-C.). Après le traitement de conservation-restauration qu’elle a reçu, elle s’est vu attribuer une place bien à elle dans le musée de Rueil : La salle de Ta-Iset (puisque telle est le nom de cette momie) :

Dès notre entrée dans la salle, la conservatrice attire notre attention sur un objet qui ne fait pas partie des objets antiques exposés... et qui, pourtant, a toute son importance :

Il s’agit d’un thermomètre hygromètre dont la fonction est de mesurer non seulement la température mais aussi le taux d’humidité de la pièce. Pour quelle raison est-ce si important ? Pour la bonne conservation de Ta-Iset. Idéalement le taux d’humidité devrait être proche de 50% et la température être à 20°C. Dans les musées récents une climatisation est installée. ici les conservatrices utilisent un humidificateur d’air :

et un déshumidificateur pour réguler l’hygrométrie.

Le système D en somme, (mais hors de la présence des visiteurs de préférence car un peu bruyants...)

Autre élément à repérer :

Les rideaux !
Quelle importance pensez-vous ? Et pourtant... Ils ne sont pas là comme éléments de décoration mais ont bien un rôle dans la conservation : Ils doivent protéger les objets de la lumière pour préserver leurs couleurs. Si "Ta-Iset" offre des "couleurs fraîches" en ayant plus de 2000 ans, c’est qu’elle a pu être préservée des ravages des U.V.

La conservatrice attire alors l’attention des élèves sur le plateau se trouvant sous la momie :

Il s’agit d’un "plateau de préhension" pour éviter de manipuler directement l’œuvre. Ainsi on peut déplacer l’œuvre mais on ne la touche jamais directement.

De même pour les "Ouchebtis", petites figurines faisant office de serviteurs du défunt dans l’au-delà :

On crée pour ces "Ouchebtis" des socles sur-mesures, en métal gainé et avec de la peinture neutre pour ne pas risquer d’altérer les œuvres.

On ajoute ensuite un "cartel", petite plaquette explicative sur l’objet exposé où figurent les éléments d’identification de l’œuvre : Titre, date, matière... Mais tout cela sera vu plus en détails dans l’atelier suivant.

Observons maintenant la momie en détails...

Dans l’Antiquité, les Égyptiens croyaient en une seconde vie, éternelle, mais pour cela le corps du défunt devait être conservé. La momification correspond donc au soin maximum qu’on peut apporter à un corps pour sa conservation. Il faut pour cela arrêter le processus de décomposition. Les Égyptiens disposaient pour ça d’une matière très pratique, proche du sel : le natron.
Le corps du défunt était plongé dans un bain de natron pendant plusieurs semaines pour dessécher le corps après avoir retiré les entrailles conservées à part, dans des vases "Canope".

Sur la momie, on peut observer des décors peints sur une matière qui ressemble un peu à notre carton d’aujourd’hui. On parle de "cartonnages". On repère ici trois cartonnages : tête, corps et pieds. Dans le cas de cette momie, le cartonnage du visage n’a pas été conservé. Le visage peint sur cette partie manquante était sans doute dans le même style que ceux des autres momies, un art "stéréotypé", avec de grands yeux en amandes. A cette époque on ne représente pas un portrait réaliste du défunt. Sur le décor du cartonnage de tête, il reste néanmoins un élément important, sur le sommet de la tête on peut identifier une partie d’un scarabée ailé qui tient le disque solaire :

schématiquement ça pourrait donner ça :

si cet élément peut sembler un détail, c’est pourtant un indice important. En effet, on sait qu’il s’agit d’une coiffure féminine. Ta-Iset est donc bien "UNE" momie... un individu féminin et non pas un garçon...

On peut observer d’autres éléments sur le cartonnage :

Les couleurs (importantes pour la datation), le décor en "fausse" symétrie ( On pourrait penser que tout est rigoureusement symétrique mais les artistes égyptiens aimaient faire preuve d’un peu de fantaisie...). On peut remarquer aussi des "génies aux couteaux" destinés à protéger la momie.

_Sur la bande rouge verticale du cartonnage du corps se trouve un texte en hiéroglyphes. Les hiéroglyphes représentent à la fois des sons et des mots.

Voici l’inscription retranscrite grâce au logiciel "Scribus" :

Avez-vous remarqué, parmi ces symboles une sorte de poulet déplumé ? Il s’agit d’une "caille excitée" ! Le cri de la caille est une sorte de "Cheu Cheu Cheu Cheu Cheu". De là, le symbole de la caille a été choisi pour représenter un son ressemblant à "Tch"

Pour ceux qui ne liraient pas couramment le hiéroglyphe, voici une traduction en français de cette inscription :

On vous laisse retrouver le son "Tch" dans le texte, celui représenté par la caille...

Le nom "Ta-Iset" signifie "Celle d’isis", un prénom sans doute donné pour mettre l’enfant sous la protection de ladite déesse.

Pour préciser l’identité d’une personne, on mentionne également le nom de son père et de son grand-père (Un peu comme chez nous où la majorité des gens portent le nom de leurs pères, même si cela a tendance à évoluer).

On peut également remarquer un symbole étrange :

Le symbole qui ressemble à une petite cuillère est en fait une rame, une rame permet de mener sa barque dans la bonne direction, elle est le symbole de la droiture, de la justice. Les égyptologues traduisent l’ensemble du symbole par "juste de voix" pour signifier que la personne défunte a eu une vie juste et qu’elle peut passer devant le tribunal d’Osiris sans craintes... En effet, le cœur du défunt doit être plus léger qu’une plume lors de son passage devant le tribunal d’Osiris... sinon son cœur sera dévoré par la déesse Âmmout et le défunt privé de sa seconde vie, la vie éternelle !

Tout cela est symbolique, ça signifie que les gens doivent être "justes" pendant leur vie terrestre...

Après la salle de la momie nous sommes allés voir la "Salle Empire"...

Dans laquelle nous avons pu découvrir un immense tableau d’une scène complétement fictive " Bonaparte en Égypte contemplant la momie d’un roi" par Maurice Orange (1867-1916) sur lequel on voit Napoléon Bonaparte faisant face à la momie de Ramsès II (qui régna sur l’Égypte de -1279 av J.-C à -1213 av J.-C).

Certes Bonaparte est allé en Égypte, sa "campagne d’Égypte" est restée dans l’histoire (1798-1801) mais la momie de Ramsès II, très grand pharaon égyptien, n’a été découverte qu’en 1881, soixante ans après le décès de Napoléon. Le tableau fourmille néanmoins de détails intéressants sur les pratiques de l’époque ( momie dont les bandelettes ont été retirées : pratique qui se faisait au XIX° mais plus du tout à notre époque), sur la symbolique ( volonté de mettre Bonaparte au même niveau que l’immense Ramsès...) et nous montre une nouvelle problématique auxquels peuvent être soumises les conservatrices : faire entrer dans une petite salle un tableau immense ! Comment cela a t-il pu être possible ? Nous, maintenant, nous le savons mais... nous vous laissons vous rendre au musée pour poser la question !

Nous avons ensuite participé à un deuxième atelier pour mieux comprendre le métier de conservateur/ conservatrice.